journal de chantier, semaine 5 : à la rencontre du scénographe et du dramaturge
Margaux Eskenazi, assistante à la mise en scène de Mon Fric, élabore un journal de chantier pendant la création. Chaque semaine, elle vous propose de découvrir une nouvelle facette du spectacle.
Cette semaine, découvrez le travail et les inspirations de Raymond Sarti et Guillaume Clayssen !
Raymond Sarti – scénographe
son inspiration :
Mona Hatoum – Homebound
Guillaume Clayssen – dramaturge
son inspiration :
Jacques Généreux, Les vraies lois de l’économie (in. Antimanuel d’économie de Bernard Maris, p. 153)
« J’ai découvert les joies du marchandage au Cameroun, où j’effectuais mon service national en coopération au tout début des années 1980. Je devais vite apprendre que, bien souvent, les marchands estimaient davantage les clients qui marchandaient que ceux qui payaient le prix annoncé sans discuter. Car si les hommes entrent en relation pour faire des échanges, il arrive aussi qu’ils procèdent à des échanges pour entrer en relation. Sur le marché de Douala, comme sur les routes où les contrôles de la gendarmerie s’intensifiaient en fin de mois, la palabre avait une valeur en soi, indépendante de son objet initial. Si mon goût naturel pour la palabre m’a permis de passer tous les contrôles de gendarmerie sans sortir un billet, il m’a aussi permis d’expérimenter une loi paradoxale de l’économie. A savoir : dans le marchandage, le bien prend de la valeur au fur et à mesure que son prix baisse ! En effet, le plaisir des mots et la chaleur du lien social tissé dans l’échange chargent les biens d’une valeur subjective d’autant plus forte que le marchandage perdure, alors même que celui-ci a pour effet ordinaire de faire baisser le prix. À la limite, les dernières tomates échangées, celles que le marchand dépose gracieusement dans le panier après la clôture de la transaction, sont, pour lui comme pour son client, les plus précieuses. »