note d’intention de Jan Lauwers
Lorsque l’esprit est hésitant,
Il se laisse submerger par le monde,
Homme faible embrassé par une catin.
Lorsque l’esprit est devenu confiant,
Le monde est une dame de rang,
Qui refuse la caresse de ses amants.
Abu al ‘ala al Ma’arri (vers 950)
Le poème ci-dessus est du poète syrien aveugle Abu al ‘ala al Ma’arri. L’idée de « Le poète aveugle » est née lors de ma visite à la grande mosquée de Cordoue. Au milieu de cet édifice unique aux trois cents colonnes, l’église catholique a détruit une série de colonnes pour y ériger une cathédrale. La cathédrale paraît petite et un peu grotesque au milieu de cette architecture ‘mauresque’ sophistiquée. J’étais interloqué devant tant de maladresse historique.
Cordoue était la capitale de ce monde-là, avec ses 300.000 à 1 million d’habitants. Les femmes étaient puissantes, traduisaient Platon, l’athéisme était courant. Plusieurs bibliothèques, plus de 600.000 livres, et cetera. A titre de comparaison : la plus grande ville du monde chrétien était Paris, avec environ 30.000 habitants. La plus grande bibliothèque chrétienne comptait 60.000 livres, et Charlemagne était analphabète.
Qu’est-ce que cela signifie au juste ? Pourquoi l’histoire nous ment-elle et nous trompe-t-elle toujours ? L’histoire est écrite par les vainqueurs. Par des hommes. Par des individus qui dictent à la masse ce qu’elle doit faire.
Dans la Cordoue du 11e siècle, les femmes étaient les égales des hommes. Du moins, les femmes musulmanes. Les femmes chrétiennes les jugeaient trop inconvenantes, trop dangereuses.
Cette histoire de Cordoue n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres de la façon dont l’histoire vient à nous. « Le poète aveugle » parcourt l’histoire à travers les arbres généalogiques de tous les membres de Needcompany. Ainsi, nous avons constaté que chacun a quelque part un lien ou une correspondance avec tout le monde. L’un de mes ancêtres était armurier à l’époque de Godefroid de Bouillon, et il a rejoint sa croisade. Ils sont passés par l’Allemagne, où l’ancêtre de Grace Ellen Barkey les a reçus en tant que maire.
Par Dieu je cherche l’honneur et la gloire, et je parcours très dignement mon propre chemin
A mon amant j’offre mes joues, et mes lèvres, je les donne à qui les veut.
Wallada bint al Mustakfi (Cordoue, 1000)
Combien, au juste, de mensonges, de rencontres fortuites, d’accidents de parcours ont déterminé l’histoire que nous connaissons ?
A propos de femmes qui jettent des pierres et finissent au bûcher.
A propos d’un croisé à l’armure étriquée.
Jan Lauwers
- Texte, mise en scène, images
- Jan Lauwers
En bref...
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