« Allons vite, qu’on m’aime ! », entend-on dans les premières répliques du Préjugé vaincu. La formule traduit bien l’impétuosité et l’impatience de l’amant mais aussi la violence d’un impératif qui fait de la jeune Lisette la première victime du sentiment amoureux. Et c’est bien cet amour-là, fougueux, rageur, qui traverse les deux pièces qui composent ce diptyque : Le Préjugé vaincu de Marivaux et Fake de Marilyn Mattei.
Les rôles de chacun sont si bien ancrés, intériorisés pourrait-on dire, dans la pièce de Marivaux qu’ils en offrent l’argument : Angélique ne saurait se marier avec ce Dorante d’une extraction plus basse qu’elle. Chez Marilyn Mattei, on retrouve des rapports tout aussi tranchés, crus, violents.
Au cœur de ce rapprochement, les notions de préjugé et d’interdit, si présents à l’adolescence. Commande passée à l’auteure à partir de la pièce de Marivaux, Fake en est le pendant vénéneux. Dans un lycée d’aujourd’hui, au CDI à l’abri derrière un livre ou sur un écran de portable, se dessinent des rapports garçons / filles sans faux-semblants. Tout est dit et les adolescents, impatients, rêvent d’un passage à l’acte.
Quel plaisir alors de voir cet ensemble de cinq comédiens passer de la langue orale de Marilyn Mattei à la langue corsetée et parfois même affectée de Marivaux. Le texte contemporain éclaire le texte classique ou plutôt, il aiguise notre regard sur ces préjugés qui vont éclater chez Marivaux. C’est ce chemin, cette navette entre les siècles, qui a guidé le projet de la compagnie « Rêve général ! ».
- Textes
- Marivaux, Marilyn Mattei
- (éd. Lansman) mise en scène
- Marie Normand | compagnie Rêve général !
- Interprétation
- Ulysse Barbry, Bruno Dubois, Martin Lenzoni, Clotilde Maurin, Apolline Roy
- Mise en mouvement
- Claire Richard
En bref...
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