Mémoire de fille : fiche pédagogique

Mémoire de fille : fiche pédagogique

Publié le 8 novembre 2018 dans Autour des spectacles

Annie Ernaux, qui êtes-vous ?

©J. Sassier
© J. Sassier

Parcourir l’article Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Annie_Ernaux

Se rendre compte de l’étendue de son œuvre sur le site de son éditeur
http://www.gallimard.fr/Contributeurs/Annie-Ernaux

Quelques citations pour parcourir son œuvre
http://dicocitations.lemonde.fr/auteur/1575/Annie_Ernaux.php

Écouter Annie Ernaux sur France culture
https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/annie-ernaux-14-la-vraie-vie

Mots clés : autobiographie, transclasse, honte, exclusion, violence, Pierre Bourdieu, Édouard Louis, Didier Eribon

Activités

  • Faites un portrait d’Annie Ernaux sous la forme d’un exposé, d’une fausse interview, d’une émission de radio etc.
  • Choisissez un autre livre que Mémoire de fille et présentez-le de manière originale (à vous d’inventer).
  • À partir des citations, écrivez des histoires et/ou menez des réflexions.
  • Mettez en relation les différents sites ressources avec les mots clés proposés.

Mémoire de fille, un texte de 2016

Un résumé

Dans Mémoire de fille, Annie Ernaux replonge dans l’été 1958, celui de sa première nuit avec un homme, à la colonie de S. dans l’Orne. Nuit dont l’onde de choc s’est propagée violemment dans son corps et sur son existence durant deux années.
S’appuyant sur des images indélébiles de sa mémoire, des photos et des lettres écrites à ses amies, elle interroge cette fille qu’elle a été dans un va‑et‑vient implacable entre hier et aujourd’hui.

Extrait du dossier de présentation du spectacle

Quatre extraits du début du texte

Extrait 1

            C’était un été sans particularité météorologique, celui du retour du général de Gaulle, du franc lourd et d’une nouvelle République, de Pelé champion du monde de foot, de Charly Gaul vainqueur du Tour de France et de la chanson de Dalida Mon histoire c’est l’histoire d’un amour.

            Un été immense comme ils le sont tous jusqu’à vingt-cinq ans, avant de se raccourcir en petits étés de plus en plus rapides dont la mémoire brouille l’ordre, ne laissant subsister que les étés spectaculaires de sécheresse et de canicule.

            L’été 1958.

Annie Ernaux, Mémoire de fille, 2016, Gallimard, p. 13

Extrait 2

            Il n’y a aucune photo d’elle l’été 1958.

            Pas même une de son anniversaire, ses dix-huit ans qu’elle a fêtés là, à la colonie – la plus jeune de tous les moniteurs et monitrices – son anniversaire qui tombait pour elle un jour de congé, si bien qu’elle avait eu le temps d’acheter en ville l’après-midi des bouteilles de mousseux, des boudoirs et des Chamonix orange mais ils n’avaient été qu’une poignée à être passés dans sa chambre boire un verre et grignoter, s’éclipsant vite – peut-être déjà devenue infréquentable, ou seulement inintéressante parce qu’elle n’avait apporté à la colonie ni disques ni électrophone.

            De tous ceux qui l’ont côtoyée cet été 1958 à la colonie de S dans l’Orne, est-ce qu’il y en a qui se souviennent d’elle, cette fille ? Sans doute personne.

Annie Ernaux, Mémoire de fille, 2016, Gallimard, p. 15

Extrait 3

            La fille de la photo n’est pas moi mais elle n’est pas une fiction. Il n’y a personne d’autre au monde sur qui je dispose d’un savoir aussi étendu, inépuisable, qui me permet de dire, par exemple, que

            elle est allée pour la photo d’identité chez le photographe de la place de la Mairie avec sa grande copine Odile, un après-midi des vacances de février

            ses frisettes sur le front sont dues aux bigoudis qu’elle porte la nuit et que la douceur de son regard vient de sa myopie — elle a enlevé ses lunettes aux verres épais

            elle a au coin de la lèvre gauche une cicatrice en forme de griffe – invisible sur la photo – consécutive à une chute sur un tesson de bouteille à trois ans

            son pull provient du grossiste en mercerie Delhoume,

de Fécamp, qui fournit la boutique maternelle en chaussettes, fournitures scolaires, eau de Cologne, etc., dont le commis-voyageur déballe deux fois par an ses valises d’échantillons sur une table du café, lequel commis-voyageur, gros, en costume et cravate, lui a déplu le jour où il lui a fait remarquer qu’elle avait le même prénom que la chanteuse en vogue, celle qui chante La fille du cow-boy, Annie Cordy.

            Et ainsi de suite, à l’infini.

Annie Ernaux, Mémoire de fille, 2016, Gallimard, pp. 20-21

Extrait 4

            Comment faire pour retrouver l’imaginaire de l’acte sexuel tel qu’il flotte dans ce moi au seuil de la colonie ?

            Comment ressusciter cette ignorance absolue et cette attente de ce qui est alors tout l’inconnu et le merveilleux de l’existence – le grand secret chuchoté depuis l’enfance mais qui n’est alors ni décrit ni montré nulle part ? Cet acte mystérieux qui introduit au banquet de la vie, à l’essentiel – mon Dieu, ne pas mourir avant – et sur lequel pèsent l’interdit et l’effroi des conséquences en ces années Ogino, les pires en ce qu’elles font miroiter la tentation de huit jours de « liberté » par mois juste avant les règles.

            Ma mémoire échoue à restituer l’état psychique créé par l’imbrication du désir et de l’interdit, l’attente d’une expérience sacrée et la peur de « perdre ma virginité ». La force inouïe du sens de cette expression est perdue en moi et dans la plus grande partie de la population française.

Annie Ernaux, Mémoire de fille, 2016, Gallimard, p. 30

Activités

  • Quel texte préférez-vous ? Pourquoi ?
  • Choisissez un texte et lisez-le à haute voix avec une intention claire.
  • Faire des lectures chorales des différents textes.
  • Choisissez un texte et proposez une mise en espace.

Pour aller plus loin

Mots clés

mémoire, photographie, première expérience, dialogue présent/passé

Activités

  • Lisez les articles proposés et proposez d’autres mots clés en justifiant vos choix.

Vers le spectacle

Une mémoire en action

La mémoire chez Ernaux a un sens d’abord littéral. C’est la manière dont elle trie, entasse, transforme les souvenirs. Par ailleurs, la mémoire se situe dans l’imaginaire. Annie Ernaux évoque souvent ses rêves éveillés. Elle est en prise avec tout l’univers mental de la mémoire, comme chez Proust.

Dans tous ses textes, je crois, il y a une véritable dualité entre le réel et l’imaginaire. La mémoire vit dans l’un, dans l’autre, et entre les deux.

Il n’y a pas de hiérarchie des mondes chez cette écrivain. C’est étonnant et rare — et ce qui constitue le fondement politique de son projet, cette idée extraordinaire du « je collectif ».

Extrait du dossier de présentation du spectacle

Activités

  • Choisissez une photo de votre enfance ou d’un passé plus récent, faites dialoguer dans un texte la personne que vous êtes aujourd’hui avec celle sur la photo. Le genre et la forme que prendra le texte restent libres. Ce traavil peut se faire sous la forme d’une improvisation.
  • Et si vous échangiez vos photos… De nouveaux textes pourraient surgir…

Une metteure en scène au travail

Il y a un travail théâtral à faire avec l’idée de présence réelle. Elaborer les règles d’un jeu théâtral où une série d’images muettes viendraient rencontrer la narration. Images muettes ? Oui, les photos sont importantes dans l’œuvre d’Annie Ernaux. Si leur description fait facilement partie de l’espace littéraire, pour le théâtre il s’agit d’en imaginer une transposition possible. Ces images à construire avec les acteurs puis à figer, seraient étroitement liées à l’écriture du récit, dans leur surgissement, dans leurs variations, dans leur évolution et dans leur disparition. Ce travail s’appuiera donc sur un important travail vidéo, espace et lumière, pour construire des images fixes, des images qui s’animeront progressivement, jusqu’à faire apparaître le corps ou les corps de personnages qui deviendront réels.

L’enjeu de cette réalité qui apparaît me semble primordial.

(…)

Dans Mémoire de fille, je veux plus précisément traduire cette double narration avec deux actrices. Pour incarner deux âges, deux états du corps, comme le texte le fait. L’adaptation scinde la figure d’une narratrice unique : elles sont deux de chaque côté du théâtre. L’une en salle, l’autre sur le plateau. Annie E., celle qui écrit et Annie D., la fille de 58. Chacune apparaît comme une autre figure d’elle‐ même — cela évoque Persona, le film de Bergman.

L’adaptation distingue deux parties bien différentes : dans la première partie, caractérisée par une composition de souvenirs, l’adaptation travaille l’existence du groupe autour de cette figure d’Annie D., la fille de 58 confrontée au corps social collectif par lequel elle se sent humiliée, rejetée, mise au ban.

(…)

De même, la scénographie travaille à effacer la frontière entre salle et scène, entre spectateurs et comédiens. Le travail en cours envisage un espace ouvert, qui transgresse délibérément le quatrième mur : le mobilier épuré — des lits épars pour le récit de la colonie, ensuite rassemblés pour former un seul grand meuble unique — se déploiera à la fois au plateau et dans la salle.

Le travail scénographique est encore en cours d’élaboration avec les pistes de travail en vidéo, son, costumes et accessoires.

Extraits d’entretien entre Cécile Backès et Guillaume Clayssen – dramaturge, novembre 2017

Activités

  • D’après ces deux textes, comment évolue le travail de Cécile Backès ? Quels partis pris semblent s’imposer ?
  • D’après les extraits d’entretien, imaginez une scénographie que représenterez sous la forme d’un croquis accompagné d’un texte explicatif.

Pour aller plus loin

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