Saluée par la presse et son public la saison dernière, la dernière création de Cécile Backès Mémoire de fille d’après Annie Ernaux réinvestit la scène du Palace. Quand le théâtre réenchante avec une infinie douceur l’âpreté de la littérature.
« J’aime imaginer les lignes dramatiques qui sous‑tendent une écriture qui n’a pas été pensée pour le théâtre, conserver la forme littéraire adoptée et suivre au plus près le mouvement de l’écriture » précise Cécile Backès. C’est ce que fait la metteure en scène dans Mémoire de fille, adaptation d’un roman paru en 2016 dans lequel Annie Ernaux revient sur sa première nuit avec un homme, en 1958, à l’âge de 18 ans.
L’onde de choc de cet événement a marqué l’existence de l’écrivaine. Issue d’un milieu modeste, d’abord enseignante puis écrivainne, transfuge de classe, Annie Ernaux n’a eu de cesse de chercher comment écrire à partir de sa vie, son premier matériau. Son travail est celui d’une expérience de la mémoire, d’une immersion de l’écrivain dans le passé pour en retranscrire l’exactitude des sensations éprouvées, des paroles prononcées, des gestes effectués. Écrire la violence du regard des autres, écrire la honte d’être née fille, et enfin, écrire pour ne pas oublier. Dans un va‑et‑vient permanent entre présent et passé, Mémoire de fille interroge la jeune fille qu’elle était, s’appuyant sur des photographies, des lettres écrites à des amies, des souvenirs restés gravés dans sa mémoire… Pour donner naissance à cet univers concret et sensible, Cécile Backès a confié le rôle de la narratrice à deux comédiennes. L’une vit en 1958, l’autre en 2016. Une façon de représenter plusieurs âges, de donner à entendre plusieurs voix, magnifiquement portée par Judith Henry et Pauline Belle. Et de créer un théâtre de l’intime qui puise sa force dans les mots, dans les images, dans les corps.
- COMÉDIE DE BÉTHUNE
- Texte
- Annie Ernaux
- (éditions gallimard)version scénique
- Cécile Backès Margaux Eskenazi
- Mise en scène
- Cécile Backès
En bref...
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