Atelier démocratique extraordinaire autour de Cendrillon

Atelier démocratique extraordinaire autour de Cendrillon

Publié le 29 février 2024 dans Retour en images , Cendrillon , Autour des spectacles

Étape à Rebreuve-Ranchicourt

Le vendredi 16 février, à la salle des fêtes de Rebreuve-Ranchicourt, s’est déroulé le dernier atelier démocratique extraordinaire avec Simon-Elie Galibert, dans le cadre de son projet de spectacle participatif Cendrillon. Il y était proposé aux habitant·e·s de la commune et ses environs, amateur·rice·s et/ou non-initié·e·s de théâtre, de rencontrer le metteur en scène, dans le but de découvrir son univers et son travail autour de Cendrillon. L’atelier a regroupé 19 participants.

C’est dans cette charmante salle boisée, à l’acoustique douteuse, d’habitude réservée aux enfants, que les curieux·se·s et intéressé·e·s se sont donc réunis pour se laisser aller et guider par l’artiste.

Après un temps de présentation, c’était le moment de commencer la pratique par des exercices pour préparer le corps et la voix. Dans un premier temps, ce fut une découverte du renforcement musculaire de la langue ou encore d’autres parties du corps oubliées et endormies avec le temps, pour enchaîner ensuite avec une harmonisation des voix, sur un air de la jungle connu de tous. Une fois le corps disposé à l’exercice du jeu théâtral, les participants ont pu s’essayer à la mise en mouvement du corps dans l’espace et à l’écoute du plateau, avec l’ajout des bribes du texte de Cendrillon, à la suite. Afin d’entrer davantage dans le concret du texte, s’est réalisée une lecture commune de dialogues des personnages principaux du texte de Robert Walser, avec le point de vue et l’interprétation du metteur en scène. L’atelier s’est conclu par une mise en application des exercices précédents, textes à la main, pour créer ensemble une ébauche de création.

Une expérience qui a permis de créer de vrais temps de partage avec la participation, l’écoute et le naturel de toutes·tes.

Cendrillon :
Êtes-vous toujours ici, mon prince ?

Prince :
Gracieuse enfant, ici, je ne suis encore ici que pour te revoir. Que portes-tu là ?

Cendrillon :
Regardez ! De beaux vêtements ! Admirez la splendeur ; l’oeil d’un roi peut s’en réjouir.

Prince :
Qui te les a donnés ?

Cendrillon :
Ô ne cherchez pas à le savoir, je ne le sais pas très bien moi-même. Me suffit que cette douceur soit mienne et que je la pourrais porter, si justement, je le voulais. Mais – –

Prince:
Mais – –

Cendrillon :
Je ne veux plus.

Prince :
Pourquoi es-tu si étrangement froide ? Qui a terni le lac de ton âme avec de la vase, pour qu’il ait l’air si sombre?

Cendrillon :
Moi-même et taisez-vous donc, ravalez bien votre noble colère, il n’y a plus d’offense ici. Seulement – –

Prince:
Comment ? Amour ; parle !

Cendrillon :
Il y a seulement une chose qui me chagrine encore : qu’à ces belles choses ici, un quelque chose manque. Il me manque la chaussure gauche. Ah, la voilà, la voilà donc. 

Prince :
Eh oui – est-ce la tienne?

Cendrillon :
Comment pouvez-vous le demander, puisqu ’elle ressemble à l’autre ici, sa soeur, jusqu’au moindre détail. Ainsi, j’ai donc le cadeau splendide au complet, et ainsi je peux aller.

Prince :
Pour le mettre sur ton corps, ton corps charmant ?

Cendrillon :
Non pas !

Prince :
Qu’est-ce qui te prend donc soudain ?

Cendrillon :
Si soudain, oui, qu’est-ce que c’est ?

Prince :
Tu ne m’aimes plus ?

Cendrillon :
Si je vous aime, je ne sais. Je vous aime, c’est bien clair; car quelle fille ne serait amoureuse de haut rang et vaillance, de nobles et belles manières ? J’aime votre splendeur, qui est si patiente et m’attend. Je suis touchée que vous, justement vous, vous montriez aimable envers moi, justement moi. Je suis si vite touchée par quelque chose, je suis si vivement excitée ; je me tiens là vraiment tout à fait misérable, sans protection. Le moindre souffle de vent gonfle mon for intérieur à l’orage, pour être tout de suite après, si calme, comme il est, maintenant, étalé : un lac calme, ensoleillé.

Prince :
Ton âme est-elle vraiment ainsi ?

Cendrillon :
Ainsi ou autrement. Que peut exprimer un mot ? Pour cela, le son de notre langue est par trop rude. Il faudrait de la musique, pour mieux le dire encore, elle, elle le ferait résonner.

Musique.

Prince :
Écoute, quelle gracieuse musique de danse. Le désir se lève en moi par vagues et je ne supporte pas que nous restions ici plus longtemps à hésiter. Viens, laisse-toi mener à la danse. Ici la magie vient d’ouvrir une fête pour nous. Défais-toi de ta lourde charge d’argent et viens.

Cendrillon :
Dans cette robe, Seigneur, pleine de boue et de taches horribles ? Voulez-vous donc danser avec un tablier de cuisine, être étroitement blotti contre suie et ordure ? Je réfléchirais quand même avant de jouer ainsi.

Prince :
Pas moi.

Il la porte en bas de l ’escalier. Quand il est en bas :

C’est ainsi que danse un couple princier.

Ils dansent. Après quelques mesures, la musique se tait.

Cendrillon :
Regarde, regarde !

Prince :
Comme si elle nous exhortait à rester tranquilles.

Cendrillon :
C’est bien ce qu’elle veut. Elle est un être très sensible, ne veut pas que le son se perde dans la danse. Elle nous renvoie vivement à notre imagination : car nous dansons en rêve aussi bien qu’en réalité. Danse ne veut pas, dans ce cas, être dansée, couverte de vacarme. Sentiment peut aussi danser sans pied et sans bruit. Silence, écoutons, ce que la musique nous veut encore !

La musique recommence. 

extraits de Cendrillon de Robert Walser

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