J’appelle mes frères : interview de Noémie Rosenblatt

J’appelle mes frères : interview de Noémie Rosenblatt

Publié le 15 janvier 2018 dans Autour des spectacles

Mars 2017, propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat pour La Comédie de Béthune

Jeune comédienne et metteure en scène issue du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris, Noémie Rosenblatt fait partie, depuis 2014, du collectif d’artistes de la Comédie de Béthune.

Existe-t-il, dans votre histoire de spectatrice de théâtre, une grande émotion qui a orienté votre parcours artistique ?

Oui, Le Dernier Caravansérail, du Théâtre du Soleil, que j’ai vu lorsque j’étais élève au Conservatoire de Paris. J’étais déjà spectatrice de théâtre depuis longtemps, mais ce spectacle m’a permis de me rendre compte qu’il était possible de faire un théâtre à la fois extrêmement beau, extrêmement profond et exigeant, tout en étant populaire, tout en restant accessible à tous. C’était comme si ce spectacle-là, au moment de ma formation, me montrait que l’on pouvait, sur un plateau, réconcilier toutes les dimensions du théâtre. Cela m’a à la fois galvanisée et apaisée. Car je me suis rendue compte qu’il n’était pas nécessaire de choisir un camp en optant pour telle ou telle chapelle, que l’on pouvait, au lieu de les opposer, les réunir au sein d’un même projet.

Ce qui était déjà, en quelque sorte, une réflexion de metteure en scène. Quand vous est venue l’envie de ne pas vous cantonner au jeu ?

Dès mon entrée au Cours Florent, où j’ai suivi la Classe Libre avant d’être admise au Conservatoire. J’ai très vite eu envie de m’extraire du chœur des acteurs pour les regarder, comme disait Antoine Vitez. Car même si je prends vraiment beaucoup de plaisir à jouer, regarder les autres travailler est quelque chose qui me fascine. Durant mes années d’étude, j’ai toujours observé les autres acteurs en me demandant ce que je leur dirais, si j’étais à la place du professeur.

Cette forme d’empathie est-elle le point fondateur de votre envie de mettre en scène ?

Oui, il y a cette volonté d’accompagner l’autre. Mais il y aussi une grande attirance pour l’idée de groupe, l’envie de toujours vouloir réunir des gens. Lorsque je lis un texte, par exemple, il est assez rare que je me dise que j’adorerais jouer l’un de ses personnages. En revanche, je pense très souvent à des amis comédiens pour tel ou tel rôle. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si je viens de citer un spectacle de la troupe du Soleil. Comme il n’est pas anodin que je prenne autant de plaisir à faire partie du Collectif de la Comédie de Béthune. Finalement, lorsqu’on est comédien, on est souvent assez seul. Je crois que réunir une bande autour de moi est quelque chose qui me rassure.  

Au-delà de la notion de groupe, qu’est-ce qui constitue votre identité théâtrale ?

Tout d’abord, le rapport à l’acteur, que je place au cœur de mon processus de travail. Pour moi, au théâtre, c’est vraiment l’interprète qui est le créateur. Le metteur en scène est là pour faire un cocon autour de lui. On m’a dit un jour, à propos de Demain dès l’aube de Pierre Notte, qui a été en 2015 la première production de ma compagnie, que c’était un travail très humble. Cela m’a beaucoup touchée. Parce que ce terme, sans enlever l’exigence ou la profondeur, caractérise quelque chose d’accessible, de précis, de sensible…

Vous aimez donc la sobriété…

Oui. Mon travail repose sur la confiance que je place non seulement dans l’acteur, mais aussi dans le spectateur. Si, en tant que metteur en scène, on les laisse l’un et l’autre se rencontrer — en les accompagnant un peu, bien sûr, mais sans surcharger la représentation de choses superflues — je crois que l’on peut toucher à l’essence du théâtre, qui revient à mettre en commun nos imaginaires et nos intelligences. Cela, en essayant toujours de convoquer la beauté. Car pourvoir toucher les spectateurs, les émouvoir par l’image, par l’esthétique du spectacle, est également quelque chose de très important pour moi.

Vous avez mis en scène, par le passé, des textes de Georges Feydeau, Pierre Notte et Pierre Astrié. Aujourd’hui vous créez une pièce de Jonas Hassen Khemiri. Quels liens pouvez-vous faire entre ces écritures ?

Toutes les quatre sont traversées par des langues très rythmées, très musicales. Même Jonas Hassen Khemiri, qui pourrait donner l’impression d’utiliser un langage très urbain, un langage du quotidien, propose une langue dramatique extrêmement travaillée. Ces textes ont également pour point commun de réfléchir à la façon dont l’individu est enfermé dans une identité, dans une case. Cette question est même le cœur du projet d’écriture de Jonas Hassen Khemiri, qui travaille sur ce qu’il appelle les « zones grises ». C’est-à-dire les zones qui correspondent à des caractéristiques beaucoup plus complexes que les stéréotypes auxquels nous pouvons, au premier abord, correspondre.

Ce qui revient à parler des empêchements, des stigmatisations…

Oui, je me rends compte que les textes qui m’attirent sont souvent liés à la question de l’émancipation, de la libération des carcans. C’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup. Car à partir du moment où l’on parvient à se libérer de ce qui nous enferme, où l’on est en mesure de choisir sa propre vie, alors, il y a beaucoup de choses qui deviennent possibles. On peut penser de façon claire et calme. On peut rencontrer l’autre…

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